Le pickleball se développe vite en France. Trop vite, peut-être, pour que les structures sportives traditionnelles suivent le rythme.
Alors que les clubs, associations et collectivités multiplient les initiatives locales, deux grandes fédérations se positionnent pour encadrer la discipline : la Fédération Française de Tennis (FFT) et la Fédération Française de Badminton (FFBaD).
Leur objectif est clair : obtenir la délégation officielle du sport auprès du ministère des Sports, c’est-à-dire la reconnaissance qui leur permettrait d’en assurer la gestion, la formation et la compétition à l’échelle nationale.
Une discipline convoitée
Depuis deux ans, le pickleball attire un public varié : anciens joueurs de tennis, adeptes du padel, mais aussi débutants séduits par la simplicité du jeu. Cette mixité séduit les fédérations, conscientes que la pratique peut servir de levier pour renouveler leur base de licenciés.
La FFT a pris une longueur d’avance. Forte de son réseau de 7 500 clubs et de ses infrastructures existantes, elle a commencé à intégrer le pickleball dans plusieurs ligues pilotes, notamment en Bretagne, en Île-de-France et dans le Grand Est.
L’approche est pragmatique : utiliser les courts de tennis, installer des marquages temporaires et former des encadrants issus du tennis ou du padel.
Selon plusieurs dirigeants régionaux, cette stratégie a déjà permis à certains clubs de stabiliser leurs effectifs après plusieurs années de baisse continue.
Le modèle badminton : légèreté et indoor
La Fédération Française de Badminton avance d’un autre angle.
Pour elle, le pickleball partage plus de points communs avec le badminton qu’avec le tennis : des raquettes légères, un jeu rapide et une pratique souvent en intérieur.
Ses clubs, nombreux à disposer de gymnases et de créneaux couverts, pourraient facilement accueillir la discipline sans besoin d’investissement lourd.
La FFBaD met aussi en avant sa culture pédagogique et associative, estimant que le pickleball correspond à “l’esprit d’un sport collectif, accessible et fédérateur”.
Plusieurs structures locales affiliées à la FFBaD testent déjà la pratique depuis 2024, notamment en Hauts-de-France et en Occitanie.
Des créneaux communs badminton–pickleball ont été créés dans certains gymnases, permettant aux deux publics de coexister.
Une bataille de modèles plus que de territoires
Le duel FFT–FFBaD n’est pas une opposition frontale, mais plutôt une différence de vision.
La FFT défend un modèle intégré, adossé à des clubs établis et à une logique de développement économique.
La FFBaD, de son côté, met en avant un modèle plus souple, fondé sur la mixité et la modularité des espaces de jeu.
Le ministère des Sports n’a, pour l’instant, attribué aucune délégation officielle.
Mais le sujet est sur la table.
Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a déjà reconnu la Fédération Française de Pickleball (FFPB) comme structure indépendante, sans toutefois lui donner le statut fédéral complet.
Cette situation hybride crée une période d’attente : la discipline se développe vite, mais son cadre institutionnel reste flou.
Une chance à saisir
Pour beaucoup d’acteurs, cette effervescence n’est pas un problème, mais une opportunité.
Le pickleball bénéficie d’une visibilité croissante, notamment grâce aux clubs pionniers et aux médias spécialisés.
Les fédérations y voient une occasion de moderniser leur image et d’attirer un public qui s’éloignait du sport traditionnel.
À terme, la question n’est peut-être pas de savoir qui encadrera le pickleball, mais comment il sera encadré.
Un scénario de coopération entre fédérations n’est pas exclu : la FFT pourrait gérer les structures extérieures, la FFBaD les pratiques indoor, tandis que la FFPB conserverait un rôle central sur la formation et la cohérence sportive.
Une structuration à venir
La France compte désormais près de 150 clubs actifs, répartis sur une trentaine de départements.
Les ligues régionales s’organisent, les tournois locaux se multiplient, et les premières compétitions interclubs apparaissent.
La structuration fédérale, attendue pour 2026, sera déterminante pour passer d’un engouement spontané à un cadre solide et durable.
Le pickleball est entré dans une nouvelle phase : celle de la reconnaissance.
Et cette fois, les institutions sportives françaises ne veulent pas rater le coche.
